e 24 du mois dernier, j’ai relaté l’agression dont a été victime Aouidni Salem, un jeune trentenaire tunisien, dans des troublantes circonstances. La victime, qui avait été admise, deux jours au par-avant, aux urgences du CHU de Sfax après y avoir été déposée par deux policiers, soufrait alors de graves blessures et de profondes lésions internes qui avaient nécessité une colostomie. Une intervention lourde qui laissait déjà les médecins inquiets quant aux éventuelles complications.
Aux dernières nouvelles et après un entretien téléphonique que j’ai eu avec le membre de l’équipe médicale qui m’avait, au départ relaté ces faits, la santé du patient s’est considérablement dégradée depuis l’opération. Des problèmes sérieux se sont depuis déclarés qui ont nécessité une reconsidération des possibilités de guérison du patient. Aux risques d’infection très élevés dans ce type d’opérations, se sont additionnées des insuffisances dans la purification du sang, engendrées par les traumatismes internes. Un système de drainage sanguin à même été mis en place pour palier à cette insuffisance. Une opération très éprouvante pour le patient qui subit déjà des effets postopératoires particulièrement contraignants.
Aouidni Salem n’est pourtant pas au bout de ses peines. Depuis la semaine dernière, la direction de l’hôpital exerce des pressions sur lui pour qu’il quitte l’établissement, même si son état de santé ne lui permet pas encore de rentrer chez lui. Ni les demandes incessantes des membres de sa famille, ni les objections soulevées par certains médecins, ne semblent dissuader les responsables de l’hôpital. Un retournement spectaculaire de situation qui, toujours selon mon interlocuteur, est du aux pressions faites par la police et les membres de la famille du policier impliqué dans cette affaire ! Ce qui ne laisse aucun doute sur la responsabilité de la police dans ce qui arrive à cette malheureuse victime.
En effets, depuis son admission, la victime n’a eu de cesse de désigner la police comme étant responsable de ses blessures. Le personnel médical partageait également la même conviction. Le chef de service, le professeur Ben Amor s’était même engagé à faire un rapport dans ce sens à ses supérieurs et à témoigner pour la victime le cas échéant. Aussi, dans les jours qui ont suivi la révélation de cette affaire et selon le témoignage d’une personne travaillant à l’accueil de l’hôpital, plusieurs membres d’ONG tunisiennes (pas plus de précision sur les noms de ces organisations) ont fait le déplacement au chevet du patient lui promettant leurs aides. Les soutiens du personnel médical et des associations de défense des droits de l’homme ont eu pour effets d’encourager la victime à envisager de porter plainte contre la police.
La réaction de la police ne s’est pas faite attendre. Deux membres de la famille du policier, présumé responsable de cette agression, ont rendu visite à la victime pour la menacer ouvertement de représailles si elle s’obstinerait à vouloir porter plainte. Ces individus, dont un serait le frère du policier, ont également menacé le personnel médical ainsi que la direction de l’hôpital. Toujours selon mon interlocuteur, des responsables de la police locale ont contacté la direction pour qu’ils renvoient illico presto le patient encombrant arguant des troubles à l’ordre publique que son maintient au sein de l’établissement pourrait engendrer.
Des agissements qui, comme chacun peut le comprendre, ont eu un effet négatif sur l’état physique et psychologique du patient qui vie depuis dans une peur permanente des représailles de la police mais aussi de se retrouver abandonner à lui-même. Les pressions conjuguées de la police et des membres de la famille ont donc porté leurs fruits. La direction de l’hôpital a fait savoir à Mr Aouidni qu’il n’était plus la bienvenue et qu’il lui fallait trouver un autre endroit pour se soigner ! Le professeur Ben Amor, qui était pourtant très affecté par ce qui est arrivé à son patient, ne veut plus en entendre parler, revenant du coup sur ses promesses d’apporter son témoignage à la victime.
Le cauchemar que Mr Aouidni vie depuis maintenant une quinzaine de jours n’est donc pas prêt de s’arrêter. Maintenant qu’il ne persiste plus aucun doute sur le caractère criminel et intentionnel des actes qu’il a subi, il risque les représailles de ses bourreaux mais aussi d’être privé de soin par l’hôpital dont les responsables agissent aux mépris de l’éthique de leur profession. Les derniers développements nous font également poser des questions sur le silence des ONG tunisiennes qui se sont déplacées sur place. Connaissant, et à juste titre, leurs actions bien médiatisées pour les droits des militants et des prisonniers politiques, nous ne pouvons que relever leur silence assourdissant s’agissant du cas de Mr Aouidni.
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