mercredi 18 mai 2005

Sharon : un piége signé Ben Ali.


L’invitation lancée par Ben Ali au Premier ministre israélien Ariel Sharon pour participer au sommet mondial sur la société de l’information dont la deuxième phase est prévue à Tunis pour le mois de novembre prochain, a- pour le moins qu’en puisse dire- suscité des vives réactions dans la rue tunisienne. Cette visite a, également, provoqué les ires de l’opposition de tous bords et de toutes confessions créant ainsi un phénomène politique aussi atypique qu’absurde. En effet, démocrates, républicains, communistes, syndicalistes, islamistes et ONG’s se sont élevés d’une même voix pour dénoncer la visite d’Ariel Sharon. Cette protestation légitime est malheureusement loin d’être spontanés, pire elle résulte d’un calcul politicien visant à s’accaparer de la frustration populaire et à manipuler la rue tunisienne au profit d’une manœuvre de positionnement sur l’échiquier politique. Manœuvre qui c’est révélée désastreuse pour ces instigateurs.

Pour une partie de l’opposition cette prise de position est naturelle, sans pour autant être judicieuse, elle constitue leur fond de commerce ; mais pour les autres c’est un volte-face pour le moins déroutant. Bien que les ficelles du piége préparer par le « général président » soient visibles et alors que personne ne doute plus de son opportunisme politique ; « Les défenseurs d’un état de droit » se sont précipités dedans sans même se poser les vraies questions. L’invitation de Sharon et dans le cadre d’une manifestation onusienne. Reconnaître l’autorité de cette institution c’est reconnaître les pays qui y siégent ce qui veut implicitement dire reconnaître l’état d’Israël et par conséquent son chef de gouvernement. Ben Ali sait pertinemment que cet argument est imparable. Mais ce qui semble une évidence pour un dictateur ne l’est pas pour notre brillante opposition qui se veut démocratique. Appeler à interdire l’arrivée d’un chef de gouvernement démocratiquement élu d’un pays membre de l’ONU dans le cadre d’une manifestation internationale ne peut que nous renvoyer aux pages les plus sombres de l’histoire. Pourtant c’est ce que vient de faire notre opposition. Quelle crédibilité auront, alors, les appels à la démocratie et à l’état de droit que lance l’opposition tunisienne si elle n’est pas capable d’accepter les règles de la diplomatie internationale.

Apres presque deux décennies de Benalisme, il est évident que le « flic-président » ne reculera devant rien pour apporter à son action néfaste le soutient du monde libre et donner une image flatteuse de sa fausse stature d’« homme du changement ». La meilleur preuve de cette manœuvre est le silence de la- dite- presse tunisienne tributaire du régime sur un sujet qui dans d’autres circonstances aurait enflammé les plumes les plus redondantes. Son invitation n’as donc rien avoir avec une « application des procédures en vigueur dans le cadre de l’ONU[i] », mais belle et bien une carte à jouer. Cette carte c’est révéler être la bonne. Non seulement il a, une fois de plus, attiré la sympathie de l’opinion internationale, mais il a, également, mit l’opposition face a ces contradictions. Alors que les observateurs se posent déjà la question de « l’après ben Ali » l’opposition institutionnelle ne c’est pas montrée à la hauteur de ces aspirations et a faillit à son devoir. Ben Ali par cette invitation joue sur deux tableau et fait d’une pierre deux coups. Il compte ainsi manœuvrer simultanément sur la scène nationale et internationale. Pendant que notre « caporale président » soigne son image, notre opposition éclairée verse dans le patriotisme primaire rivalisant de virtuosité et d’envolées lyriques.
« Le gouvernement doit revoir sa décision, sinon Sharon devra marcher sur nos cadavres » a déclarer Me Chebbi[ii] devant telle bravoure on ne peut qu’être admiratif ! Voila un homme, un responsable politique qui est prêt à sacrifier sa vie et celle de ces compatriotes pour empêcher l’arrivée d’un chef de gouvernement démocratiquement élu ! Décidément, nous ne donnons pas tous la même valeur à la vie humaine. Quant au POCT[iii] et LTDH[iv] ils ont appelé de tous leurs cœurs à une coalition pour relever le « défi». Quel défi ?! Et quelle union atypique ?! C’est sûrement rassurant pour les Tunisiens de savoir que le défi de l’opposition consiste à empêcher l’arrivée de Sharon dans notre pays. Pour le FDLT[v] il s’agit « d’une provocation qui a dépassée toutes les limites[vi] ». On se sent tout de suite soulagé de voir qu’il existe une limite à la capacité d’encaissement de notre opposition et je me réjouit de savoir qu’elle ne laissera plus le régime les bafouées impunément. Ces déclarations émanent des sommités de l’opposition tunisienne. Je les prends en exemples parmi tant d’autres, tous aussi tonitruants.

En provoquant cette union contre l’arrivée de Sharon, le dictateur Ben Ali a réussi à prendre de la hauteur par rapport à l’opposition et consolide ainsi ses liens avec ses appuis occidentaux. Des partenaires qui commencent à se montrer impatients face à la lenteur des réformes, tant promises par le régime, et la dégradation continuelle de la situation des liberté sans pour autant donner plus de crédit à l’opposition qui ne semble pas garantir la stabilité et l’ouverture nécessaire pour les intérêts stratégiques de la région.

Mais le meilleur coup de Ben Ali et sa carte magique, c’est d’avoir éviter le vrai débat qui est en réalité, la tenu du sommet lui-même. C’est ça la vraie insulte ; c’est en cela que réside l’absurde de la situation. Comment un pays aussi fermer à la circulation de l’information ou, les lois liberticides bâillonnent la presse et la société civile, peut-il accueillir une tel manifestation ? Un pays ou sévi un dictateur haineux et sanguinaire qui a instauré un système ou, les internautes sont emprisonnés et les journalistes tabassés et même tués. Selon quels critères la communauté internationale autorise t-elle une telle mascarade ? L’affront ne réside pas dans le faite que le sommet se tienne en Tunisie mais qu’il se déroule dans la Tunisie de Ben Ali. La question qui se pose est, donc, une question de personne. Le problème, c’est Ben Ali et son système mafieux et non pas Sharon, bush ou j’en sais quel diabolique ennemi invisible. Au lieu de quoi l’opposition a préférer le confort des discours bien rodés du nationalisme primaire et de l’anti-américanisme séculaire. Mais que sait faire l’opposition à par sortir une fois de plus les vieux slogans et les banderoles poussiéreuses usées par le temps.

C’est une rupture radicale qu’il aurait fallut provoquer. C’est une forme nouvelle de revendication qu’il fallait peut être entreprendre. Il fallait relever le défi en déclenchant un mouvement populaire, pacifique et apolitique, citoyen, pour faire entendre notre voix et montrer notre capacité en tant que peuple à s’organiser autour d’un idéal commun et des revendications légitimes. Il fallait faire de ce sommet une tribune pour le peuple tunisiens et non une arène ou l’opposition ne peut avoir que le rôle du prisonnier qu’on jette aux lions.



[i] Abdelbaki Hermassi, ministre tunisien des affaires étrangères,
[ii] Me Najib Chebbi, n°1 du Parti Démocratique Progressiste.
[iii] Le Parti des Ouvriers Communistes de Tunisie.
[iv] Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme.
[v] Forum démocratique pour le Travail et les libertés.
[vi] Dr Mustapha Ben Jaâfar, président du FDLT, AFP 01/03/2005.

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