samedi 25 novembre 2006

"Corps otages", otage de la censure !

Soutien à Jalila Baccar et Fadhel Jaïbi auteur dramatique et metteur en scène tunisiens

Nous apprenons qu'en Tunisie la commission consultative dite d'orientation théâtrale a recommandé la censure de la pièce Khamsoun("Corps otages").

Cette recommandation est effective depuis qu'elle a été entérinée par le ministre de la Culture. Faut-il rappeler que les auteurs de cette pièce, Jalila Baccar et Fadhel Jaïbi, ont été au coeur du renouvellement théâtral en Tunisie et dans le monde arabe? Depuis trente-cinq ans, ils ne cessent, de pièce en pièce, de révolutionner cet art et de l'enrichir par des innovations scéniques animées par un esprit critique qui dénonce les défauts, les manquements et les chimères de leur société. Leur oeuvre est, en outre, mondialement reconnue et célébrée. Et ceux qui ont eu le privilège d'assister en juin dernier à Paris au spectacle de leur pièce (à l'Odéon Théâtre de l'Europe), désormais interdite dans leur pays, ont été impressionnés par sa performance littéraire et artistique ainsi que par sa juste portée politique.

Ne répercute-t-elle pas par les purs moyens du théâtre la violence intégriste et l'idéologie rampante qui la sous-tend et qui, insidieusement, se répand pour légitimer le crime? Comment un régime construit sur la modernité prive-t-il la société qu'il gouverne d'un travail de représentation émanant de sa réalité et destiné à aider les citoyens à mieux saisir les ressorts de la crise qui bloque les évolutions, favorise les régressions et pénalise l'avenir? Nous nous élevons avec force contre cet acte de censure qui prive les artistes de leurs moyens de vie et de leur raison d'être.

Signez la pétition de soutien


Fadhel Jaïbi fait honneur au théâtre tunisien.



Grand nom de l'art théâtral tunisien arabophone, Fadhel Jaïbi s'est forgé une stature unique. Elle lui garantit une liberté de parole et de création qui, sans jamais être définitivement acquise, lui permet néanmoins de travailler sans avoir à transiger ni avec le pouvoir, ni avec le marché. Son théâtre a été applaudi à Beyrouth, à Damas, au Caire. Ses derniers spectacles – Comedia, Familia, Les Amoureux du café désert, pour ne citer que ceux-là – ont tourné en Italie, en Espagne, en Hollande, en Suède, au Portugal, en Belgique et en France. Avec Corps otages de Jalila Baccar, il confirme encore une fois, en se représentant à guichets fermés au théâtre de l’Odéon, qu’il est un grand nom du théâtre mondial.

De retour de France, où elle a rencontré Allah après une fascination pour le marxisme pur et dur, la fille d’un couple de militants gauchistes se retrouve impliquée dans le suicide mystérieux d’une jeune amie enseignante qui a décidé, un vendredi 11 novembre, de se faire exploser dans la cour de son lycée. L’acte, qui plonge le pays dans le désarroi et met en branle le redoutable dispositif anti-terroriste, place face à face un régime politique autoritaire, une société civile et des démocrates plus laminés que jamais, des islamistes clandestins aux funestes desseins et des citoyens dociles ou indifférents.

D’une grande économie de moyens, Corps otages, donne vie à des personnages qui ne sont jamais de simples représentants d’un courant d’idées ou d’un groupe social : ce spectacle qui se place au centre d’un affrontement idéologique et d’une faillite sociale et politique laisse pourtant émerger des individualités : le jeune femme qui se fait exploser, mais surtout son amie, emprisonnée et torturée à la suite de cet événement, la mère de cette dernière, qui doit concilier l’amour qu’elle porte à sa fille et l’incompréhension qu’elle ressent pour ses idées et ses choix de vie. L’ancien tortionnaire, enfin, que la mère écoute parler avant de le confronter à son mari, une de ses anciennes victimes.

Une pièce poignante d’une mise en scène saisissante de dépouillement mais au même temps de présence scénique. Les acteurs évoluent sur scène tels des danseurs de ballets en effectuant des danses des fois à peines perceptibles. Une mise en scène qui ne fait que renforcer la charge émotionnelle dégagée par le jeu des acteurs. Du grand théâtre qui dépeint la réalité tunisienne sans aucune concession.

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1 commentaire:

  1. Anonyme6:47 PM

    Bonjour Malek
    J'ai signé la pétition.. Par ailleurs, j'attend ton contact le plutot possible.
    Salut
    RAFRAFI

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