vendredi 3 novembre 2006

We will never forget




«Abou Gharib» d’Irak et «Abou Gharaib * »
de la Tunisie



Nombreux sont ceux qui ont été choqués d’entendre ce qui s’est passé à nos frères irakiens à la prison d’Abou Gharib par les forces d’occupation (torture, atteinte à la dignité, agressions sexuelles) et ont exprimé leur profonde émotion pour ce qu’ils ont vu.

Cependant, celui qui suit l’actualité sera étonné et s’interrogera sur cette réaction courroucée surtout si l’on sache que ce qui a été rapporté sur les violations à la prison d’Abou Gharib ne dépasse pas dans son horreur ce qui se passe dans les prisons tunisiennes et les locaux des diverses unités de sécurité et postes de sûreté et au siège du ministère de l’intérieur sans que tout cela ne suscite un intérêt semblable.

Cela a-t-il un rapport avec « la lampe de Bab Menara qui « ne s’allume que pour les étrangers» 1 ou s’agit-il alors de troubles de la vue qui engendrent une presbytie accompagnée d’une myopie qui fait que nous ne pouvons voir nos frères qu’à une distance minimale de 2400 km ?

Une réponse objective ne peut négliger l’effet de l’information. En fait, le scandale d’Abou Gharib a été relayé par tous les médias étrangers et locaux au point que la chaîne Tunis 7 a diffusé les photos de la torture et que les journaux de la désinformation ont fait de même.

C’est ainsi qu’un large public a pris connaissance de ces informations contrairement aux échos des violations en Tunisie qui n’ont été diffusés que sur Internet, non accessible à tous, ou grâce à la chaîne «Almustakilla» qui a connue une forte audience durant une certaine période avant que son propriétaire ne découvre les mérites et privilèges de la «modération».

Cela explique encore pourquoi le large public en Tunisie ne soit pas au courant des horreurs commises dans le pays par des compatriotes.

Un autre facteur, cette fois d’ordre culturel, explique le phénomène, à savoir la haine de l’étranger et le refus de l’occupant tout en acceptant la dictature locale pratiquée par un tyran de confession musulmane. Cela trouve appui dans l’idée alimentée par quelques juristes musulmans et qui stipule que vivre 70 ans sous la dictature est mieux que la «Fitna » (discordance).

Aussi est-il que le tunisien qui critique les américains n’a rien à craindre contrairement à la critique adressée à un compatriote pour laquelle il pourra payer une lourde tribu, ce dont beaucoup ne désirent pas le faire.

Cette problématique du sacrifice est d’une importance majeure pour notre sujet. Si on prend, à titre d’exemple, les avocats qui plaident dans les affaires politiques, on constatera que leur nombre est faible en Tunisie. Pour les autres pays arabes, j’ignore leur proportion, à part le fait que près de 2000 avocats se sont portés à la défense du doyen des dictateurs arabes, Saddam Hussein, avant qu’ils ne renoncent à voyager en Irak lorsqu’ils ont réalisé que leur vie sera en danger. A mon avis, cette attitude contredit leur foi dans l’affaire qu’ils défendent, que cette défense ait pour but seulement de garantir un procès équitable à un homme ou la défense d’un leader exceptionnel dont les femmes n’accoucheraient plus jamais d’un semblable.

Tout modestement, et j’espère avoir tort, il y’a parmi nous des gens qui ne veulent pas perdre la qualité de militant devant le public sans qu’ils soient pour autant prêts à assumer les lourdes conséquences que peut engendrer leur lutte. La défense de la cause palestinienne ou irakienne leur offre une échappatoire qui leur permet de mener une lutte confortable et cela sans qu’ils soient capables de fournir un soutien effectif à nos frères en Palestine ou en Irak. Tout ce qu’ils font c’est de consolider le pouvoir du dictateur local en détournant les gens de le confronter et en dirigeant leur regard vers d’autres.

Les irakiens sont capables, à eux seuls, de mettre fin à l’occupation. Parmi eux, il y’a ceux qui mènent avec brio et efficacité une opposition politique. D’autres ont choisi la résistance armée pour renvoyer l’occupant et ont témoigné d’un courage et de hautes capacités guerrières pouvant se passer de tous nos efforts pour les soutenir.

Quant aux tunisiens, louange à Dieu qu’ils ont eu le mérite que quelques jeunes des leurs aient participés à la lutte de leurs frères en Palestine et en Irak. La honte en Tunisie ne nous vient pas des sionistes ou des américains mais des mesures et des jugements trop sévères prononcés, au nom du peuple tunisien, contre ceux qui rêvaient de participer à la lutte palestinienne comme les jeunes internautes de Zarzis et les jeunes de l’Ariana sans qu’il soit prouvé qu’ils aient commis des actes criminels en Tunisie.


La honte nous touche également du fait que les violations commises par les américains à la prison d’Abou Gharib (torture, chocs électriques, agressions sexuelles et déshabillement des détenus) n’a pas égalé l’horreur de ce que des tunisiens ont fait avec leurs compatriotes, notamment par l’arrachement des ongles, l’introduction de bâtons dans l’anus, la brûlure aux cigarettes, l’introduction des fils dans les parties génitales, la sodomisation des jeunes filles et garçons et le fait de forcer les victimes à manger de leurs excréments.

A cela, il faut ajouter l’élargissement du cercle de la répression aux familles et d’autres techniques qui font honte à tous ceux qui se sont tus face à ces pratiques, à commencer par les chefs des tortionnaires en passant par le peuple tunisien et en arrivant au président de l’Etat chargé, par la Constitution, de veiller au respect de la Constitution et de la loi. Ce dernier, soit ignore ce que commet les fonctionnaires de l’Etat, et dans ce cas n’est pas apte à cette fonction, soit sait ce qui se passe ou l’ordonne et dans ce cas il ne mérite pas de gouverner les tunisiens, ni les Hutus et les Tutsis.

Et à ceux qui justifiaient la répression au début des années 90 par l’impératif de confronter à un mouvement puissant qui menaçait l’ordre public, la stabilité et la marche ordinaire des institutions ; en admettant leur hypothèse l’on est en droit de s’interroger comment peuvent-ils expliquer la poursuite des atteintes dont étaient victimes les islamistes, les islamistes présumés, les gens de la gauche et même les prévenus du droit commun ? Comment peut-on expliquer les agressions contre le prisonnier Nabil El Ouaer dans sa cellule à la prison de Borj Erroumi et sa sodomisation par quatre autres prisonniers

sur ordre de l’administration pénitentiaire ? Comment expliquer les obstacles érigés devant la justice l’empêche de jouer son rôle et instruire les plaintes des victimes contre les agents de l’Etat et les détenteurs du pouvoir.

Qu’on le dise franchement que l’occupation de l’Irak a eu des retombées négatives sur les tunisiens qui paraissent être démoralisés ce qui se manifeste dans leur désintérêt à l’actualité surtout nationale alors qu’on s’attendait que les efforts se conjuguent pour chercher une issue à la crise du pays.

Quant à nos rêves panarabes, il est clair que les dirigeants n’en ont rien fait avec leurs slogans et leurs armées et il ne reste de solution que la lutte de tous les arabes dans leurs pays pour se débarrasser de la dictature et l’instauration de régimes démocratiques qui expriment la volonté populaire et c’est à ce moment que l’union arabe sera concrétisée et qu’on trouvera la solution pour la cause palestinienne et toutes les autres causes.

J’adresse un message à nos jeunes qui veulent combattre au sein de la résistance irakienne et qui ont été arrêtés et déférés devant la justice pour avoir simplement pensé aller en Irak sur la base de la loi sur le terrorisme, je les supplie personnellement de choisir la Tunisie comme terre pour mener le combat. Et si celui-ci est armé en Irak, ils n’auront besoin en Tunisie que du courage de dire non face au dictateur qui comme ses pairs dans d’autres pays arabes, est la cause de notre sous-développement.

Cela exige aussi de se débarrasser soi-même des comportements inadéquats qui portent préjudice à notre patrie comme les pots-de-vin, les combines, l’égoïsme et l’hypocrisie. Il exige aussi d’avoir un minimum de culture et de connaissances car le courage à lui seul ne suffit pas. On a l’exemple des afghans qui, après avoir libéré leur pays, se sont tournés les uns contre les autres en raison de l’absence d’un projet politique clair et l’incompréhension des exigences de la vie contemporaine et de la culture démocratique.

Je rappelle aussi à ces jeunes que leur départ pour soutenir la résistance irakienne n’est utile ni aux irakiens ni aux tunisiens. Le seul qui en profitera sera le régime au pouvoir qui se présentera comme un allié engagé dans le projet américain de lutte contre le terrorisme alors que c’est lui qui pratique le terrorisme, l’institutionnalise et l’alimente par la répression, l’oppression, le trucage des accusations contre les innocents et le blocage de toute voie d’alternance pacifique dans le pays.

J’appelle également ceux qui boycottent les produits américains de commencer par le boycott des produits et entreprises détenues par les familles soutenues par le pouvoir politique et qui ont ramassé des fortunes énormes dans peu de temps. L’établissement d’une liste des ces produits et entreprises est un devoir national dans lequel doit s’engager tous les citoyens en l’absence d’une autre solution pour maîtriser leur avidité.

Lorsqu’on arrive à arranger notre ménage intérieur et qu’on puisse créer un vrai changement dans notre pays, on pourra à ce moment viser plus haut.



* « Abou Gharaib » C’est un jeu de mot qui veut dire, mystères de la Tunisie

1 - Proverbe tunisien

Maître Mohamed Abbou, Tunis le 25 Aout 2004



Source : Verité-Action

1 commentaire:

  1. Anonyme8:50 AM

    Quelle belle idée mon ami d'avoir affiché ce texte de ABBOU , je le connais par coeur et chaque fois que je le relis , j'en ai les larmes aux yeux et j'ai le coeur plein de fierté et d'espoir , je pense à Samia et les enfants , je pense à maître ABBOU un maître dans tous les sens du terme , je pense à ce petit homme courageux , ce géant d'une rareté incroyable dans notre Tunisie brisée par l'horreur des ténèbres , je pense à sa bouche qu'il avait cousu avec pour seule anesthésie son amour pour sa patrie et les Tunisiens , son courage , sa dignité et sa vérité; je pense à tous ceux là enfants révoltés pour la liberté qui survivent dans leur propre mort et l'agonie de la Tunisie annoncée par une dictature diabolique , et aussi , vraiment , au delà des idées , des futilités humaines , de "nos" vérités je suis fier absolument de tous ces tunisiens partout dans le monde qui ne se résignent pas à la forfaiture , et qui comme "Stranger" ont toujours une idée d'avance sur ma petite personne et de qui j'apprends tout.Merci encore.Biju

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