jeudi 3 mai 2007

le 4ème anniversaire de la torture du détenu N°25




Ici le contenu alternatif (image, texte)


Ceci est le témoignage de Monem concernant la torture qu’il a subit en Janvier 2003, publié initialement en Arabe, le 14 Janvier 2007. Traduit de l’Arabe par Malek Khadhraoui.


ette nuit, il y a de cela quatre ans, plus précisément le 14/01/2003, ils sont rentrés chez nous et m’ont demandé de me bander les yeux et ils m’ont amené….où ?

Il y a de cela quatre ans nous avons été arrêtés par la sûreté de l’Etat. Nous étions 14 personnes, membres des Frères Musulmans, réunis pour organiser notre refus de la guerre contre l’Irak. Notre réunion qui se déroulait dans la région de El-Zaitouna à l’est du Caire, a été prise d’assaut d’une manière effrayante et traumatisante semblable aux prises d’assaut des maisons des résistants palestiniens par les Israéliens. Ils nous ont demandé de s’allonger par terre et ils nous ont menotté par derrière.

Ils nous ont fait comparaître devant le procureur de la sûreté de l’Etat, accusés d’« appartenance à une organisation illégale » (les Frères Musulmans). Le procureur a ordonné notre mise en détention provisoire de 15 jours pour les besoins de l’enquête à la prison de Mazraat Tarh.

Dans la matinée du 14/01/2003 nous avons été à nouveau emmené devant le procureur pour qu’il ordonne la prolongation de notre détention provisoire de 15 jours supplémentaires. Nous sommes montés dans la voiture des transferts qui nous a emmené au complexe pénitentiaire de Tarh, sauf que cette fois-ci nous nous sommes dirigés vers une autre prison de ce complexe qui se trouvait être la prison d’accueil.

L’officier chargé de notre transfert nous a dit qu’ils étaient contraints de nous maintenir dans cette nouvelle prison pour une seule nuit compte tenu des fouilles qui se déroulaient à la prison de Tarh….ne connaissant pas ce qui nous attendait, ceci ne m’avait pas surpris !!

Une petite course

Nous sommes rentrés à la nouvelle prison, celle dans la quelle nous étions censés passer une seule nuit. Vers minuit, le directeur de la prison d’accueil est venu nous voir et nous a demandé de sortir. Nous lui avons demandé si nous allions revenir à notre prison initiale et il nous a répondu :
“non, vous partez pour une simple petite course d’une heure et vous reviendrez ici à nouveau mais que chacun de vous prenne quelque chose pour se couvrir le cou du froid.”

Parce que je ne comprenais rien et qu’il ne faisait pas si froid, je suis sorti de la cellule sans rien pour me couvrir le cou.

Alors l’officier m’a surpris en disant :
« Mon fils, prend quelque chose de propre pour te couvrir les yeux afin d’éviter qu’il te les bande avec quelque chose de sale »

J’étais surpris…!! Me bander les yeux… !!! Pourquoi ? Où allons nous ?

C’est alors que Aimen Abd El-Ghani (actuellement en détention) m’appelle en disant :
« Abd El-Monem, il semble qu’ils vont nous amener à Madinet Nasr, (ou se trouve le siège principal de la sûreté de l’Etat). Que dieu te donne le courage et qu’il nous en donne à tous. »

Aimen m’a alors donné un T-shirt et je me suis bander les yeux moi-même.

Nous sommes sortis vers le hall principal de la prison, accompagnés des gardiens, et nous avons été surpris par des voix graves nous demandant de ne plus dire un mot et de laisser toutes nos affaires personnelles dans la prison.

Alors j’ai dit à la personne à la voix grave : je n’ai avec moi qu’un Coran et un chapelet.
Il m’a répondu d’une manière impolie en disant :
« Non, « chérie de ta maman », tu n’en auras besoin ».

La personne à la voix grave m’a tenu et m’a attaché les mains derriére le dos avec un lien métallique. Il m’a fait monter dans un véhicule dont je ne connaissais pas la forme et m’a demandé de m’asseoir. Je me suis assis sur le sol à l’endroit où je me tenais debout pensant que c’était un véhicule de transfert (sans sièges). C’est alors que j’ai été surpris par un violent coup de poing sur mon visage et la voix qui me disait :
« Ne vois tu pas le siège fils de…… (Il m’a insulté) ».

J’ai dit, forcement à moi-même :
« Comment voulez-vous que je vois alors que j’ai les yeux bandés. J’avais très peur».

Et le véhicule, qui semblait être un autobus, démarra.

L’accueil de Guantanamo

Soudain, l’autobus s’est arrêté. Ensuite, il s’est incliné considérablement me laissant croire que l’endroit semblait se trouver au sous-sol. Ils nous ont fait descendre du véhicule brutalement, en nous insultant des plus sales des insultes, et ils nous ont placé l’un à côté de l’autre.

Après, un homme, avec une voix limpide et claire est venu nous accueillir en disant :
« Vous êtes la bienvenue, Je veux vous présenter l’endroit où vous êtes…vous êtes ici à Guantanamo »
en rajoutant :
« Ici nous avons torturé les plus vaillants d’El Qaida. Vous êtes ici pour savoir qui êtes-vous réellement “fils de chiens”. Vous vous prenez pour une organisation…ici vous êtes des chiens. »

Apres il a dit :
« Ici vous n’êtes pas des êtres humains. Ici vous êtes des numéros et gare à celui qui répondra par son nom quand je le lui demanderais ».

Oui nous nous connaissons en tant que numéros. Moi j’étais le détenu « 25 », et si quelqu’un me demandait : « qui est tu ? » Je répondais : « je suis “25″ monsieur ». Celui qui oubliait et disait son vrai nom recevait une salve de coups violents pour avoir oublié son nom de code au centre de la torture.

En suite, il nous a demandé d’enlever nos chaussures et nos chaussettes pour rester pieds nus, durant les 13 jours de notre séjour dans cet endroit.

Ils ont dirigé nos têtes vers le mur et nous sommes restés ainsi, debout, pieds nus sur un sol de céramique durant plus de 14 heures. Celui qui s’écroule par terre est remis en position sous les coups. Et quand, notre ami, le docteur Mohamed El-Qadhi, professeur d’université, a crié en leur disant :
« On veut faire la prière du « fajr » dont l’heure de la faire est dépassée alors qu’on est encore debout ».
Un gardien ou un officier lui a répondu :
« Prie avec les yeux « chéri de ta mère » nous ne sommes pas ici dans une mosquée ».

Après que les 14 heures aient passées, ils nous ont fait rentrer dans des cellules individuelles dont la superficie ne dépassait pas celle d’une tombe ne contenant qu’une plate-forme en béton, des toilettes à l’ancienne (turques ), et un robinet d’eau. Apres être rentré dans la cellule et que la porte s’est fermée, je me suis efforcé à enlever le bandeau qui me couvrait les yeux croyant que je pouvais l’enlever quand je me trouve dans la cellule.

Soudain, la porte s’est ouverte…je l’ai vu et il m’a vu…il semble être l’un des gardiens de cet endroit. Une personne forte et imposante qui m’a asséné à la figure plusieurs coups de poing violents tout en m’insultant et me demandant :
« Qui t’a autorisé à ôter ton bandeau »

Et depuis cet instant, le bandeau ne s’est plus jamais ôté de mes yeux durant les 13 jours. Au point où dès que je sentais qu’il risquait de tomber pendant les interrogatoires, je demandais au commissaire de bien me le fixer. Lui il craint que je puisse le voir et le reconnaître et moi aussi je crains de recevoir d’autres coups de poing à cause de ce bandeau.

Le règlement de la cellule

La superficie de la cellule qui m’a abrité pendant les 13 jours ne dépasse pas les 6m2. J’y suis resté cinq jours entiers à dormir, à prier et à utiliser les toilettes avec les mains attachées dans le dos sauf aux heures des repas où le gardien me les attachait par devant.

Il m’était demandé de rester continuellement sur ce banc en béton. Même la prière je la faisais dessus, le parterre étant trop sale. Je suis resté pendant toute cette période sans couverture malgré le fait que nous étions au mois de janvier, un mois d’hiver où il fait très froid.

Nous avions trois repas par jour
Le petit déjeuner : un seul morceau de pain avec, posé dessus, un tout petit morceau de fromage avec une sucrerie encore plus petite ou 5 à 10 haricots avec un peu de confiture. C’était la même chose pour le dîner. Pour le déjeuner, c’était un seul morceau de pain avec, posé dessus, une toute petite quantité de riz et un petit morceau de viande.

Un médecin nous rendait visite quotidiennement, matin et soir, pour soigner toutes les blessures qui pouvaient apparaître et pour nous donner des cachets à avaler.
Je crachais ses cachets dans les toilettes juste après son départ.

Toutes les deux ou trois heures, passait un gardien et j’étais obligé, à peine la porte ouverte de me tenir rapidement debout. Si je m’attardais ne serait-ce qu’une seconde pour me lever j’avais droit à un repas copieux de coups et de sales insultes.

Il est impossible de dormir dans cette cellule. D’une part parce que la plus part des interrogatoires ce déroulaient de minuit jusqu’au petit matin et d’autre part, les gardiens passaient toutes les nuits à fumer du « hachich » et à s’échanger des insultes à très haute voix et d’une manière très dérangeante.

Les interrogatoires

La première nuit, lorsque je suis rentré dans la salle des interrogatoires, où se trouve l’officier de la sûreté de l’Etat chargé de m’interroger, bien évidement, j’étais attaché par les mains derrière le dos, pieds nus, yeux bandés, l’officier a alors crié sur le gardien en disant :
« Espèce d’âne, quand ils rentrent ici aux interrogatoires, leurs mains doivent être attachées devant».

Au début, l’officier se comportait avec moi avec « politesse » me disant :
« Nous somme désolés Abdel Monem pour ce comportement, mais c’est notre devoir et c’est le règlement du lieu ».
Puis il a ajouté :
« Je vois que tu es un chic garçon, d’une bonne famille et tu n’as rien à avoir avec ce tapage, je suis certain que tu vas m’aider et que tu ne vas pas me mentir ».

Bien entendu, moi je ne parlais pas, j’écoutais seulement ces bavardages, qui avaient pour but, de m’influencer pour que je lui dévoile les secrets de notre confrérie.

Soudain, l’officier s’est tu…puis j’ai entendu une voix venant de l’extérieur de la salle…un homme hurlant de douleur sous la torture : « Assez, je vais parler, je vais tout vous dire», et ses cris continus, encore plus forts.

L’officier m’adresse la parole de nouveau :
« Assieds-toi, tu as l’air fatigué ».
En effet, je m’assois par terre, puis il ajoute :
« Sais-tu Abdel Monem c’était la voix de qui ? »
Je reste muet, je ne parle pas, car j’avais tellement peur. Il entreprend en disant :
« C’est Ebrahim Eldib, il nous ment et refuse d’avouer ».
Je me suis dis, c’est Ebrahim Eldib, le propriétaire de la maison dans laquelle nous avons été capturés, l’officier me dit cela, pour m’impressionner et m’apeurer pour que j’avoue tout ce que je sais sur la confrérie.

Soudain, la porte s’ouvre, l’homme à la voix grave qui nous a cueillis lors de l’arrestation, rentre, hurle sur l’officier en disant :
« Qu’est-ce que c’est que ça Monsieur ? Tu le laisses s’asseoir ? Et pourquoi ne pas lui offrir le thé pendant que tu y es ? ».
Puis il poursuit son hurlement, en nous insultant nous les gens de la confrérie, de vulgaires insultes, ordonnant à l’officier de commencer ma torture en lui disant :
« Allez, suspend-le, ça vaut mieux ».
L’officier lui a répondu :
« Ca ne fait rien Bacha, Abdel Monem est un pauvre et chic garçon, il va parler et nous dire tout ce qu’il sait ».

En ce moment, j’ai compris que tout cela n’est qu’une machination préparée entre eux, afin de m’impressionner et me pousser à bout pour avouer.

Les interrogatoires ont duré huit jours en continu, et deux fois par jour, il me questionnait sur tout ce que j’ai fait dans ma vie, et me confrontait avec toutes mes activités pendant la période de mes études à l’université (les renseignements étaient tellement précis) et si je niais ce qu’il disait ou je refusais de coopérer, il me faisait battre par les gardiens, qui me cognaient avec les mains, les pieds, des gifles, et le tout accompagné d’insultes. C’était ainsi, tous les jours pendant l’interrogatoire.

Au bout des huit jours, mon interrogatoire a pris fin. Je suis resté les cinq jour restants enfermé dans ma cellule afin d’augmenter la pression psychologique sur moi, de plus, j’entendais constamment les cris de souffrance de mes compatriotes torturés, frappés, maltraités comme ils ont du entendre mes cris à leurs tours.

La fin des interrogatoires

Les interrogatoires sont terminés avec tout le groupe, ils nous ont sorti des cellules au milieu de la dernière nuit, nous ont rendu nos chaussures, puis, ils nous ont fait monter dans un bus semblable à celui qui nous a emmenés ici, mais cette fois, pour le retour, ils nous ont mis les têtes sous les sièges, puis ils nous ont couverts par des couvertures épaisses.

Un des gardiens nous a annoncé :
« Celui qui lève la tête, je la lui explose ».

Et nous voilà de retour à la prison du départ, là où lors de notre transfert, le directeur nous avait dit que nous allions juste pour une petite course. Aussitôt arrivé, il nous a ordonné d’enlever les bandeaux de nos yeux.
C’était la première fois que nous nous voyons après cette longue période.

Le matin, nous sommes retournés à la prison principale, c’est la prison de Maazrat Tarh, et là, nous avons décidé d’informer et d’aviser les magistrats de ce que nous avons vécu et subi : notre enlèvement illégal de la prison, ainsi que ce que nous avons subi de torture physique et morale.

Au tribunal, l’avocat chargé de nous défendre (Maître Abdel Moneem Abdel Maksoud), nous a conseillé de ne pas évoquer ce sujet en l‘absence des traces sur nos corps, ainsi pour ne pas nous présenter à des légistes qui, évidemment, ne feront jamais un rapport qui pourrait condamner la police.

Nous avons gardé le silence, et le tribunal a prononcé son jugement de poursuivre l’emprisonnement qui s’est prolongé jusqu’à six mois. C’est ainsi que, le dernier détenu parmi nous est sorti à la fin du moi de juin

Hélas, notre silence a donné l’opportunité au gouvernement, de refaire le même crime avec d’autres membres de notre conférie en 2004, dont un des membres a trouvé la mort, c’est l’ingénieur Akram Zehiri.

Groupe des 14, affaires n° 56 emprisonné par la sûreté de l’Etat en 2003 :

L’ingénieur Ahmad Choucha, 48 ans, Le Caire, et détenu en ce moment pour l’affaire Al Azhar, homme d’affaires

L’ingénieur Ahmad Mahmoud, 51 ans, Sueze, architecte en électricité

L’ingénieur Tarek Sobhi, 49 ans, Le Caire, homme d’affaires

L’ingénieur Abdel Majid Mechali, 32 ans, Le Caire, capturé en 2006, ingénieur qualité

L’ingénieur Amine Abdelhamdid, 35 ans, El Sharkia, Chimiste

Docteur Mohamad Elkadi, 35 ans, professeur à l’université de Halwan

Eprahim Eldib, 36 ans, El Mansora, comptable

Mohamad Najm, 36 ans, Le Caire, comptable

Abdallah Ebrahim, 25 ans, El Sharkia, comptable

Mostafa Esmail, 25 ans, El Fayoum, pharmacien

Tarek Abdel Jawad, 23 ans, Assioutte, directeur d’achats

Mohamad Sakr, 34 ans, El Mansora, directeur de ventes

Abdel Moneem Mahmoud, 23 ans, Alexandrie, journaliste

La journée du policier noir
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C’était un résumé de mon expérience et du souvenir de la torture par les services de l’Etat. Elle a été reproduite avec d’autres personnes, que ce soit des détenus politiques ou des détenus sans accusations concrètes. Parmi eux, il y a eu des morts, comme Masaad Katb, mort sous la torture dans les locaux de la sûreté d’Etat à El Jiza en 2002, ainsi que de nombreuses personnes qui sont peut-être mortes sans que l’on puisse le savoir à ce jour.

La torture ne se limite pas aux politiciens uniquement, elle s’étend aux personnes condamnées pour des affaires criminelles, qui ont subi également la torture et la mort sous la torture.

L’organisation égyptienne des droits de l’Homme, a déclaré dans un de ses rapports, 41 cas de torture de citoyens par la police. Parmi ces personnes, 15 ont trouvé la mort. Ce qui a conforté les doutes au sein de cette organisation, sur le fait que ces décès sont dus à des tortures et des maltraitances.

Ceci n’est le fait que d’un seul rapport. La torture en Egypte, est une politique systématique, une méthode et une règle. Pour cela, il est de notre devoir de dévoiler, publier et médiatiser les informations sur la torture dans tous les endroits du monde.

J’ai une proposition, qui consiste à confronter le ministère de l’intérieur ainsi que le gouvernement, à ces cas de tortures, le 25 Janvier. Cette date est la fête nationale de la police. Un grand jour et une grande fierté pour chaque citoyen, et pas seulement pour les policiers.

Mais les officiers criminels à la solde de l’officier Habib Eladli, ont volé ce symbole et ils se l’ont approprié. Le comble c’est que l’Etat les honore malgré le fait qu’ils soient des criminels.

Allons les démasquer ce jour-la et appelons-le « le jour du policier noir ». Ensemble, sur nos blogs, sur nos sites, dans nos forums, nous dévoilerons les crimes du ministère de l’intérieur et ses officiers, et nous nous déclarons contre « le policier noir » le 25 Janvier.

le 4ème anniversaire de la torture du détenu N°25

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Visitez le blog de la compagne internationale pour la libération de Monem
www.freemonem.cybversion.org



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