Prix Nobel d'économie en 1972, Milton Friedman, décédé hier à l'âge de 94 ans, a notamment inspiré les politiques économiques de Ronald Reagan, dont il a été un conseiller, et de Margaret Thatcher. Son ouvrage « Capitalisme et liberté», publié en 1962, a marqué toute une génération.
Défenseur inlassable de l'ouverture des marchés, de la réduction des impôts et des dépenses publiques, Friedman a résumé sa position par cette simple phrase : « Personne ne dépense l'argent de quelqu'un d'autre aussi consciencieusement que le sien.»
Sa lutte pour « réduire la taille et l'étendue du gouvernement» constituait une véritable promotion des libertés individuelles et du rôle essentiel de la société civile. Il prônait un gouvernement dont le rôle se limiterait à fixer les règles du jeu et à veiller à leur application.
Friedman démontre ensuite que dans une société capitaliste libre, il est naturel que des hommes "puissent ouvertement plaider la cause du socialisme et travailler à sa venue". Alors que, à supposer qu'il puisse exister une société socialiste soucieuse de liberté, l'omniprésence de l'Etat induit "des difficultés très réelles à y créer des institutions qui préserveront efficacement la possibilité de ne pas être d'accord".
Milton Friedman affichait également une grande confiance dans la mondialisation pour réduire « les différences entre les pays » et permettre aux plus pauvres d'entre eux de « parvenir à la croissance économique et à la prospérité ».
Enfin, il consacra les dernières années de sa vie à la promotion du libre choix scolaire. Dès 1995, il avait proposé la création de « chèques-éducation » pour permettre aux parents de choisir librement l'école de leurs enfants.
Défenseur inlassable de l'ouverture des marchés, de la réduction des impôts et des dépenses publiques, Friedman a résumé sa position par cette simple phrase : « Personne ne dépense l'argent de quelqu'un d'autre aussi consciencieusement que le sien.»
Sa lutte pour « réduire la taille et l'étendue du gouvernement» constituait une véritable promotion des libertés individuelles et du rôle essentiel de la société civile. Il prônait un gouvernement dont le rôle se limiterait à fixer les règles du jeu et à veiller à leur application.
Friedman démontre ensuite que dans une société capitaliste libre, il est naturel que des hommes "puissent ouvertement plaider la cause du socialisme et travailler à sa venue". Alors que, à supposer qu'il puisse exister une société socialiste soucieuse de liberté, l'omniprésence de l'Etat induit "des difficultés très réelles à y créer des institutions qui préserveront efficacement la possibilité de ne pas être d'accord".
Milton Friedman affichait également une grande confiance dans la mondialisation pour réduire « les différences entre les pays » et permettre aux plus pauvres d'entre eux de « parvenir à la croissance économique et à la prospérité ».
Enfin, il consacra les dernières années de sa vie à la promotion du libre choix scolaire. Dès 1995, il avait proposé la création de « chèques-éducation » pour permettre aux parents de choisir librement l'école de leurs enfants.
Milton Friedman
Capitalisme et Liberté
"extraits"
On croit généralement que politique et économie sont des domaines distincts et, pour l'essentiel, sans rapport ; que la liberté individuelle est un problème politique et le bien-être matériel un problème économique ; enfin, que n'importe quel régime politique peut se combiner avec n'importe quel régime économique. [...] Ma Thèse est que pareille opinion est illusoire, qu'il y a un rapport intime entre économie et politique, que seules certaines combinaisons sont possibles entre régimes économiques et régimes politiques, et qu'en particulier, une société socialiste ne peut être démocratique -- si être démocratique, c'est garantir la liberté individuelle.
Dans une société libre, le dispositif économique joue un double rôle. D'une part, la liberté économique est elle-même une composante de la liberté au sens large, si bien qu'elle est une fin en soi. D'autre part, la liberté économique est indispensable comme moyen d'obtenir la liberté politique [...]
Si l'on considère le régime économique comme un moyen destiné à atteindre ce but qu'est la liberté politique, son importance est à la mesure des effets qu'il a sur la concentration ou la dispersion du pouvoir. Le type d'organisation économique qui assure directement la liberté économique, à savoir le capitalisme de concurrence, est en même temps favorable à la liberté politique car, en séparant le pouvoir économique du pouvoir politique, il permet à l'un de contrebalancer l'autre.
L'histoire témoigne sans équivoque de la relation qui unit liberté politique et marché libre. Je ne connais, dans le temps et dans l'espace, aucun exemple de société qui, caractérisée par une large mesure de liberté politique, n'ait pas aussi recouru, pour organiser son activité économique, à quelque chose de comparable au marché libre [...]
L'économie libre donne aux gens ce qu'ils veulent, et non pas ce que tel groupe particulier pense qu'ils devraient vouloir ; ce qui se cache derrière la plupart des arguments contre le marché libre, c'est le manque de foi dans la liberté elle-même.
Néanmoins, l'histoire, si elle indique que le capitalisme est une condition nécessaire de la liberté politique, ne nous dit pas qu'il en est la condition suffisante. L'Italie et l'Espagne fasciste, l'Allemagne [...] et le Japon avant la Première et la Seconde Guerre mondiale, la Russie tsariste durant les décennies qui précédèrent la Grande Guerre -- voilà autant de sociétés dont on ne peut pas dire qu'elles aient été ou soient politiquement libres. Dans chacune d'entre elles, pourtant, l'entreprise privée était la forme dominante de l'organisation économique. Il est par conséquent fort possible qu'à un régime économique fondamentalement capitaliste ne corresponde pas un régime politique de liberté [...]
Il n'y a fondamentalement que deux manières de coordonner les activités économiques de millions de personnes. La première est la direction centralisée, qui implique l'usage de la coercition : c'est la technique de l'armée et de l'Etat totalitaire moderne. La seconde est la coopération volontaire des individus : c'est la technique du marché. La possibilité d'une coordination assurée grâce à la coopération volontaire repose sur cette proposition élémentaire -- quoique fréquemment niée -- que, dans une transaction économique, les deux parties sont bénéficiaires, pourvu que cette transaction soit bilatéralement volontaire et informée. Une coordination sans coercition peut par conséquent être le produit de l'échange. Le modèle d'une société organisée grâce à l'échange volontaire est l'économie libre de l'échange et de l'entreprise privée, c'est-à-dire ce que nous avons appelé le capitalisme de concurrence [...]
Dans la société moderne, nous disposons d'entreprises qui sont des intermédiaires entre les individus, considérés d'une part en tant que fournisseurs de services et, d'autre part, en tant qu'acquéreurs de biens. De même l'argent a-t-il été créé comme moyen de faciliter l'échange et de distinguer nettement entre l'acte de vendre et celui d'acheter.
Ce qui est fondamentalement indispensable, c'est de maintenir la loi et l'ordre, si bien que la coercition physique exercée par tel individu sur tel autre soit impossible et que les contrats volontairement passés soient respectés ; c'est donc de donner quelque contenu au mot "privé". A part cela, les problèmes peut-être les plus épineux sont posés par le monopole -- qui paralyse la liberté en déniant aux individus la possibilité de choisir --, et par les "effets de voisinage" -- effets sur les tierces parties, à propos desquels il n'est pas possible de pénaliser ou de récompenser ces dernières. Aussi longtemps que l'on maintient une liberté d'échange effective, le trait central du mécanisme du marché est qu'il empêche une personne de s'immiscer dans les affaires d'une autre en ce qui concerne la plupart des activités de cette dernière. Du fait de la présence d'autres vendeurs avec lesquels il peut traiter, le consommateur est protégé contre la coercition que pouvait exercer sur lui un vendeur ; le vendeur est protégé contre la coercition du consommateur par l'existence d'autres consommateurs auxquels il peut vendre ; l'employé est protégé contre la coercition du patron parce qu'il y a d'autres employeurs pour lesquels il peut travailler, etc. Le marché y parvient de façon impersonnelle et sans qu'il soit besoin d'une autorité centralisée.
A vrai dire, c'est précisément et surtout parce qu'elle remplit si bien cette tâche que l'économie libre se heurte à des objections ; car elle donne aux gens ce qu'ils veulent, et non pas ce que tel groupe particulier pense qu'ils devraient vouloir ; ce qui se cache derrière la plupart des arguments contre le marché libre, c'est le manque de foi dans la liberté elle-même.
L'existence d'un marché libre n'élimine évidemment pas le besoin d'un gouvernement. Au contraire, ce dernier est essentiel, et comme forum où sont fixées les "règles du jeu", et comme arbitre qui interprète et fait appliquer ces règles. Le marché, cependant, réduit grandement le champ des questions auxquelles doivent être données des réponses politiques, et par là minimise la mesure dans laquelle il est nécessaire que les pouvoirs publics participent directement au jeu. C'est le trait caractéristique de l'action politique que sa tendance à exiger ou à imposer une certaine conformité ; et c'est, en revanche, le grand avantage du marché que de permettre une large diversité. Pour parler le langage de la politique, le marché est un système de représentation proportionnelle. Chacun peut, si j'ose dire, voter pour la couleur de la cravate qui lui plaît ; il n'a ni à savoir quelle couleur veut la majorité, ni à se soumettre s'il est parmi les minoritaires.
C'est à cette caractéristique du marché que nous faisons référence quand nous disons que le marché assure la liberté économique. Mais cela comporte des implications qui vont bien au-delà. [...] En ôtant à l'autorité politique le droit de regard sur l'organisation de l'activité économique, le marché supprime cette source de pouvoir coercitif ; il permet que la puissance économique serve de frein plutôt que de renfort au pouvoir politique. [...]
Extraits de Capitalisme et Liberté, pages 21 à 31.
Principaux ouvrages de Friedman :
- Study in the Quanty Theory of Money (Théorie quantitative de la monnaie), 1956.
- Capitalism and Freedom, 1963 (trad. française Capitalisme et Liberté, Laffont, 1971).
Il n'y a fondamentalement que deux manières de coordonner les activités économiques de millions de personnes. La première est la direction centralisée, qui implique l'usage de la coercition : c'est la technique de l'armée et de l'Etat totalitaire moderne. La seconde est la coopération volontaire des individus : c'est la technique du marché. La possibilité d'une coordination assurée grâce à la coopération volontaire repose sur cette proposition élémentaire -- quoique fréquemment niée -- que, dans une transaction économique, les deux parties sont bénéficiaires, pourvu que cette transaction soit bilatéralement volontaire et informée. Une coordination sans coercition peut par conséquent être le produit de l'échange. Le modèle d'une société organisée grâce à l'échange volontaire est l'économie libre de l'échange et de l'entreprise privée, c'est-à-dire ce que nous avons appelé le capitalisme de concurrence [...]
Dans la société moderne, nous disposons d'entreprises qui sont des intermédiaires entre les individus, considérés d'une part en tant que fournisseurs de services et, d'autre part, en tant qu'acquéreurs de biens. De même l'argent a-t-il été créé comme moyen de faciliter l'échange et de distinguer nettement entre l'acte de vendre et celui d'acheter.
Ce qui est fondamentalement indispensable, c'est de maintenir la loi et l'ordre, si bien que la coercition physique exercée par tel individu sur tel autre soit impossible et que les contrats volontairement passés soient respectés ; c'est donc de donner quelque contenu au mot "privé". A part cela, les problèmes peut-être les plus épineux sont posés par le monopole -- qui paralyse la liberté en déniant aux individus la possibilité de choisir --, et par les "effets de voisinage" -- effets sur les tierces parties, à propos desquels il n'est pas possible de pénaliser ou de récompenser ces dernières. Aussi longtemps que l'on maintient une liberté d'échange effective, le trait central du mécanisme du marché est qu'il empêche une personne de s'immiscer dans les affaires d'une autre en ce qui concerne la plupart des activités de cette dernière. Du fait de la présence d'autres vendeurs avec lesquels il peut traiter, le consommateur est protégé contre la coercition que pouvait exercer sur lui un vendeur ; le vendeur est protégé contre la coercition du consommateur par l'existence d'autres consommateurs auxquels il peut vendre ; l'employé est protégé contre la coercition du patron parce qu'il y a d'autres employeurs pour lesquels il peut travailler, etc. Le marché y parvient de façon impersonnelle et sans qu'il soit besoin d'une autorité centralisée.
A vrai dire, c'est précisément et surtout parce qu'elle remplit si bien cette tâche que l'économie libre se heurte à des objections ; car elle donne aux gens ce qu'ils veulent, et non pas ce que tel groupe particulier pense qu'ils devraient vouloir ; ce qui se cache derrière la plupart des arguments contre le marché libre, c'est le manque de foi dans la liberté elle-même.
L'existence d'un marché libre n'élimine évidemment pas le besoin d'un gouvernement. Au contraire, ce dernier est essentiel, et comme forum où sont fixées les "règles du jeu", et comme arbitre qui interprète et fait appliquer ces règles. Le marché, cependant, réduit grandement le champ des questions auxquelles doivent être données des réponses politiques, et par là minimise la mesure dans laquelle il est nécessaire que les pouvoirs publics participent directement au jeu. C'est le trait caractéristique de l'action politique que sa tendance à exiger ou à imposer une certaine conformité ; et c'est, en revanche, le grand avantage du marché que de permettre une large diversité. Pour parler le langage de la politique, le marché est un système de représentation proportionnelle. Chacun peut, si j'ose dire, voter pour la couleur de la cravate qui lui plaît ; il n'a ni à savoir quelle couleur veut la majorité, ni à se soumettre s'il est parmi les minoritaires.
C'est à cette caractéristique du marché que nous faisons référence quand nous disons que le marché assure la liberté économique. Mais cela comporte des implications qui vont bien au-delà. [...] En ôtant à l'autorité politique le droit de regard sur l'organisation de l'activité économique, le marché supprime cette source de pouvoir coercitif ; il permet que la puissance économique serve de frein plutôt que de renfort au pouvoir politique. [...]
Extraits de Capitalisme et Liberté, pages 21 à 31.
Principaux ouvrages de Friedman :
- Study in the Quanty Theory of Money (Théorie quantitative de la monnaie), 1956.
- Capitalism and Freedom, 1963 (trad. française Capitalisme et Liberté, Laffont, 1971).
Bravo pour cet éloge. Milton Friedman est le père de la théorie du rapport entre l'inflation et le volume monétaire injecté par les banques centrales. Théorie adoptée aujourd’hui par toutes les banques centrales des pays développés. Malheureusement sa théorie du non interventionnisme de l'état sacrifie les victimes du chômage et des effets temporaires de la dépression. Néanmoins un grand monsieur desservant notre respect
RépondreSupprimerBonsoir Samsoum,
RépondreSupprimerC’est plus un hommage à l’un des plus grands économistes de ce siècle qu’un éloge pour la personne de Friedman. Comme tu le dis, Friedman c’est le père du monétarisme et l’inspirateur des politiques monétaires de Reggan et de Thatcher mais également, avec les « Chicago Boys », celle du Chili de Pinochet. Il est vrai que sa théorie a révolutionné l’approche des questions monétaires et notamment le rapport entre échanges monétaires et inflation. Cette approche a, également, permis l’émergence de banques centrales indépendantes du pouvoir des l’état.
Bien que révolutionnaire à son époque la théorie de la monnaie de Friedman semble connaître ces limites de nos jours. Une politique monétaire essentiellement axée sur la lutte contre l’inflation n’est plus suffisante. On voit bien d’ailleurs que la banque centrale américaine, toute en restant indépendante, s’est détachée depuis des années de ce dogme pour prôner une véritable politique de change. Le dollar faible en est le meilleur exemple surtout quand on voit les bienfaits de cette politique sur l’économie américaine. D’ailleurs la politique monétaire de la banque centrale européenne qui se voit essentiellement anti-inflationniste et qui ne jure que par l’euro fort, pénalise lourdement l’économie de l’union. Les résultats désastreux de la politique monétaires du FMI en Afrique sont également en défaveur de la théorie de Friedman. Bien que dans ce dernier cas, les responsables politiques des pays africains qui sont pour leurs majorités des dictateurs mégalomanes, y sont aussi pour beaucoup.
Et c’est là ou je revins sur ce qui est à mes yeux, l’aspect le plus intéressant de la pensée de Friedman : le lien indéfectible entre liberté économique et liberté politique et le rôle primordial de la société civile en tant que contre pouvoir au marché et aux pouvoirs politiques. Sans liberté de vivre entièrement la citoyenneté, le marché peut se transformer en une machine d’exclusion redoutable. Les plus grandes injustices de la mondialisation se trouvent, comme par hasard, dans les pays où les libertés individuelles sont les plus restreintes le cas de la Chine est surement le cas le plus patent. Un pays ou le capitalisme d’état asservit des millions de personne et fausse par la même, la donne dans les échanges internationaux.
C’est pour cela que les états ont encore un rôle à jouer et que de plus en plus de pays mettent en place des mesures protectionnistes pour se prémunir contres les anomalies d’un marché ou tout le monde ne joue pas avec les mêmes règles. D’ailleurs l’affaire du marché des trains de banlieue de l’Ile-de-France accordé après un appel d’offre au canadien Bombardier au dépend du français, Alstom, montre à quel point le non respect des règles de concurrences peut entrainer des injustices et surtout augmenter le sentiment antimondialisation. Il est vrai que Bombardier était 10% moins cher qu’Alstom sur ce marché. Mais ce qui a permis à Bombardier de proposer ce prix, c’est le marché du métro de Montréal qu’il a obtenu sans appel d’offre et encore une fois au dépond de la société française et qui lui a permis de réaliser des économies d’échelle et proposer des tarifs aussi bas. La question ici n’a rien avoir avec le patriotisme économique mais montre l’importance de l’existence de règles identiques pour tous.
Donc ce post est surtout un hommage à celui qui a œuvré pour remettre l’état à sa place, c.à.d au service du citoyen et qui a, justement, fait de responsabilisation des individus une condition indispensable à l’émergence d’un marché libre mais également équitable.
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